L'inclusion du gaz fossile et du nucléaire dans la taxonomie verte européenne pourrait renforcer notre dépendance énergétique à la Russie, selon un rapport (1) de Greenpeace France, publié le 17 mai, à la veille de la présentation par la Commission européenne de nouvelles mesures pour s'affranchir des énergies fossiles russes.
Cette classification des activités économiques durable vise à permettre aux acteurs économiques et aux investisseurs d'identifier les activités considérées comme « vertes » et prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause. Une inclusion représente donc un enjeu important pour ces dernières.
L'association souligne que cette intégration ouvre la porte à une augmentation des investissements à destination des entreprises russes. « La Russie pourrait gagner 4 milliards d'euros supplémentaires par an via de nouveaux projets gaziers financés grâce à la taxonomie européenne, pour un total de 32 milliards d'euros d'ici à 2030, estime Greenpeace France. L'inclusion de l'énergie nucléaire dans cette liste permettrait à Rosatom - société d'énergie nucléaire publique russe ayant des liens commerciaux étroits avec l'industrie nucléaire européenne, et notamment française - de bénéficier d'une part importante des investissements potentiels dans le nucléaire, estimés à 500 milliards d'euros. »
Un acte probablement voté par le Parlement cet été
Dans son rapport, l'association pointe également un lobbying important réalisé pour cette inclusion et des liens entre les entreprises russes et des hauts fonctionnaires de l'Union européenne. Elle a ainsi relevé « au moins dix-huit » rencontres, soit directes, soit par l'intermédiaire de filiales et de groupes de pression depuis que la Commission a publié son plan d'action sur la finance durable en mars 2018.
Reste à voir la position adoptée par le Parlement. Les prochaines étapes pour l'acte délégué sont le vote, en juin, en commission du Parlement européen, suivi du vote en plénière, en juillet.
Ce document devrait donc être voté cet été, même si certains États membres comme l'Allemagne se sont positionnés contre, notamment en raison de la présence du nucléaire. « Les dernières annonces de l'Allemagne sont à comprendre symboliquement. Elle se positionne officiellement contre l'acte délégué, qui ne peut plus réellement être bloqué à ce stade, indique Murielle Gagnebin, cheffe de projet politique énergétique UE, France-Allemagne à l'institut Agora Energiewende. Cela requérait une majorité qualifiée renforcée au Conseil de l'UE (donc au moins 72 % des États membres (soit 20) représentant au moins 65 % de la population de l'UE). »
L'Allemagne a toutefois indiqué qu'elle ne prendra pas part à des actions juridiques auprès de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), comme l'envisagerait l'Autriche notamment.